Francklin Mbungu_ Flamboyant !

« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a fait pour lui, il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito.
Ses meilleurs moments c’est quand il oublie comment il s’appelle. »
Jean Dubuffet

Francklin Mbungu – né en 1972 – appartient à cette école des autodidactes qui essaime depuis des décennies le paysage des arts visuels congolais. Ecole est évidement un terme ambigu et inexact lorsque l’on évoque la question des artistes n’ayant pas bénéficié d’un enseignement artistique classique. Mais école car il s’agit d’un véritable courant artistique présent dans l’histoire de l’art congolais.  

Lorsqu’il était enfant, son père, antiquaire ramenait, de ses expéditions, livres, objets, et catalogues d’artistes laissés à disposition de la maisonnée. Plus tard, trois artistes viendront peindre régulièrement dans la boutique paternelle. Ils initieront le jeune Francklin Mbungu à la peinture de chevalet mais ce dernier n’arrive pas à s’épanouir dans cette voie. Aussi, il choisira, un temps, d’être agent pour des peintres issus du mouvement de la peinture populaire congolaise. Pourtant, un jour, dans une prière adressée à Dieu, il émet le souhait de devenir un artiste différent et reconnaissable entre tous. C’est alors qu’au cours d’une vision, lui apparaissent clairement des feuilles de couleur, des ciseaux et des lames de rasoir. Il troque donc la peinture contre la colle où il trempe désormais son pinceau. Il découpe, assemble, plie, superpose les couches de papier, les colle avec une dextérité purement extraordinaire et n’hésite pas à adjoindre au papier des fils de couleurs ou même de la laine réalisant ainsi des œuvres quasiment en trois dimensions mais qui demeurent toutefois des tableaux. L’histoire de l’art occidentale a l’habitude de relier les pratiques du collage de papier coloré à l’œuvre faite de papiers découpés de Henri Matisse mais, ici, on est plus proche de cette grande peinture qu’est La Danse que des papiers découpés. Francklin Mbungu s’inspire aussi bien du quotidien que de mythologie propre à l’histoire congolaise et entraine le regard dans un monde onirique flamboyant. Admirateur de l’esthétique des années soixante-dix, ses personnages masculins portent souvent d’immenses pantalons pattes d’éléphants de couleurs multicolores, des chemises de couleurs, des nœuds papillons aux couleurs extravagantes. Les personnages féminins sont vêtues de robes extraordinaires où se mêlent motifs et couleurs vives tandis que des coiffes aux plis savants cachent parfois leurs cheveux, bien que la plupart du temps ses derniers sont représentés sous la forme d’une coupe afro dont la simplicité contraste avec les vêtements ou le fonds de chaque œuvre, portant le regard vers le visage de chaque personnage. L’élégance du sapeur et de la sapeuse n’est jamais très loin ! La figure mythique de la sirène revient régulièrement dans le travail de Francklin Mbungu bien qu’il préfère s’attacher à représenter des musiciens de rue, des danseurs et danseuses ou des figures solitaires s’apprêtant à sortir faire la fête. 

L’œuvre que développe avec assurance Francklin Mbungu est joyeuse. Elle emplit le regard d’une multitude de bonheur. Il y a évidemment la technicité extraordinaire utilisée dans ce travail de papier collé. Une technicité qui laisse coi. Mais, il y a surtout ce voyage au sein duquel chacune de ces œuvres emportent par ce tourbillon de couleurs, de matières et de thèmes et cette musique qui émane de chacune des œuvres de l’artiste. Il est rare d’avoir envie de fermer les yeux lorsque l’on visite un atelier1 où les œuvres nous plaisent. C’est pourtant le miracle qu’accomplit Francklin Mbungu : il donne envie de fermer les yeux et de se laisser aller à rêver au son des mélodies que son œuvre insuffle à l’esprit. A n’en pas douter, Francklin Mbungu est un magicien …

1 J’ai eu la chance de visiter l’atelier de Francklin Mbungu au mois de mars dans le quartier de NDjili, non loin de l’aéroport de Kinshasa, mais certaines de ces œuvres ont été présentées en France en 2019, notamment au MIAM de Sète lors de l’exposition collective Kinshasa Chroniques

par Lydie Marchi

Francklin Mbungu
Photographies prises à l’atelier de Francklin Mbungu, Ndjili, Kinshasa – Mars 2019
Courtesy Francklin Mbungu
Francklin Mbungu
Photographies prises à l’atelier de Francklin Mbungu, Ndjili, Kinshasa – Mars 2019
Courtesy Francklin Mbungu
Francklin Mbungu
Photographies prises à l’atelier de Francklin Mbungu, Ndjili, Kinshasa – Mars 2019
Courtesy Francklin Mbungu
Francklin Mbungu
Photographies prises à l’atelier de Francklin Mbungu, Ndjili, Kinshasa – Mars 2019
Courtesy Francklin Mbungu
Francklin Mbungu
Photographies prises à l’atelier de Francklin Mbungu, Ndjili, Kinshasa – Mars 2019
Courtesy Francklin Mbungu